Le premier chef étoilé BIO de France,
le maestro Jean-Luc RABANEL nous a fait l’honneur de bien vouloir parrainer le colloque « Droit(s) du Bio » du Marathon du Droit 2018.
L’une des membres de notre comité organisateur, Mme Juliette DAQUIN, l’a rencontré et interviewé pour nous. Mille et un mercis aux deux.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à choisir le bio à un tel niveau d’excellence ?
En, 2000, j’ai rencontré William Vidal, certificateur des produits bio. Ma philosophie était la suivante : jardiner des légumes bio puis les cuisiner amène à une forme de réflexion. Lorsque j’étais chef en Lotte et Garonne, c’était la norme de cuisiner des produits naturels et locaux, ce qui n’était pas forcément le cas lorsque je suis venu à Arles. C’est pour cela que j’ai par la suite souhaité établir un cahier des charges pour mon restaurant, avec l’exploitation d’un jardin biologique. Avant d’ouvrir L’Atelier, j’ai donc fait le tour de tous les restaurants bio : tous ces restaurants qui cuisinent du tofu, et ce genre de choses. C’est triste. Leur cuisine, je l’ai trouvé triste. Ma philosophie du goût était et est toujours différente : il faut avoir le sens des plats, tout en tournant et en approfondissant le thème du végétal. Mon idée était de travailler des produits issus de mon jardin, de poissonniers du coin, d’élevages du coin. Il y a eu un certain impact à cela, tous ceux qui parlaient du bio avant se sont retrouvé confronté à redéfinir ce que c’était réellement.
Existe-t-il ou devrait-il exister un droit au bio ?
Le contre coup de tout cela a été l’apparition ou du moins le renforcement des certificateurs. Il a fallu, et j’y ai contribué, élaborer un cahier des charges et établir la qualité réelle d’un label. Le bio peut être n’importe quoi. C’est un travail titanesque, il faut valider le fait que telle ou telle production est bio ou non, et le justifier. Il y a un fort contre-pouvoir au bio aujourd’hui, qui est le fait que tout est devenu bio. Par exemple, on prend de la farine animal bio pour nourrir les saumons. Certes la farine est certifiée bio, et le saumon le sera par la suite, mais est-ce réellement naturel ? Ça ne l’est évidemment pas, et c’est le gros problème qui ressort aujourd’hui, tout peut être bio mais n’est pas forcément naturel. De plus, un produit bio n’est pas forcément de proximité. Si vous consommez des avocats bio mais qu’ils proviennent du Pérou, l’étiquette bio ne prend pas en compte les dépenses carbones et la pollution engendrée pour pouvoir consommer, en France, un avocat péruvien (sans parler du fait que la culture de l’avocat demande une forte consommation d’eau).
Pour moi, travailler bio est indissociable du travail naturel et de proximité. Ce sont trois notions qui se complètent et qui ne peuvent et pas, ou ne devraient pas, être dissociées comme cela est le cas aujourd’hui. Travailler la proximité, c’est aider son voisin, ça favorise la vie et le bien-être d’un voisin, puis celle de son voisin, etc… On assiste à a construction d’un noyau très solide et d’une chaîne puissante. Il ne faut pas se focaliser sur le bio et uniquement le bio car aujourd’hui, ça ne veut plus rien dire, mais il faut développer le bio ET le local.
Le bio devient une philosophie à partir du moment où l’on respecte l’environnement.
Pouvez-vous nous parler de votre travail avec les producteurs bio et de la sortie de votre vin bio de Provence ?
Comme dit précédemment, travailler avec des producteurs locaux permet de se forger un réseau, qui n’est pas uniquement commercial mais aussi amical et fiable. Chacun des producteurs avec qui je travaille a un relation spéciale avec sa production et peut vous en parler de manière tout à fait particulière. Le producteur me fournissant mes herbes de Provence ne vit presque que pour ses dernières, il sait quand les ramasser, le matin, quand elles ont encore un peu de gouttes de rosé, par exemple.
Concernant le vin bio, j’ai même pu sortir récemment un vin vegan, notamment grâce à l’aide de Gaïa de Fortant. Pour produire mes vins, qu’ils soient bio ou vegan, il a fallu déguster 60 jus issus de raisins biologiques, c’est-à-dire sans aucun entrant chimique, sans collage de blancs d’œufs … Chaque jus à sa spécificité : il possède sa minéralité, son calcaire, son odeur. J’ai essayé de faire en sorte que le vin en bouche ressemble au nez. C’est comme ça que j’ai réussi à sortir mon vin bio. Encore une fois, cela prend du temps et l’on sélectionne au mieux des produits locaux n’ayant subits aucun traitement chimique ou autre.
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